L’Avesnois est une terre de prédilection pour les oratoires et les chapelles puisque j’y en ai recensé plus de 1000.
Ils se trouvent à proximité des chemins, près des maisons, à la limite des terres et des bois, parfois au centre des villages et sont d’abord des oratoires familiaux.
Ils sont implantés majoritairement dans la région herbagère d’Avesnes sur Helpe, dans le Solrésis et enfin dans la Fagne aux environs de Trélon.
Il faut dès maintenant, pour une meilleure compréhension de l’inventaire qui suit dans cet ouvrage, faire une distinction (même si nos ancêtres les appelaient toutes chapelles), entre ces mots oratoires et chapelles.
Le premier qu’il soit en pierre ou en brique est un édifice religieux de petite taille ayant pour architecture :
– soit la composition élaborée avec plus ou moins les éléments suivants à savoir un socle, un fût de forme cylindrique, carrée, hexagonale ou octogonale, une niche, un bandeau, un couronnement, une boule et enfin une croix ;
– soit l’aspect d’une chapelle miniaturisée.
Quant à la définition du mot chapelle, il s’agit de bâtiments suffisamment vastes pour accueillir des personnes pouvant s’agenouiller et prier. Certaines sont si grandes qu’elles peuvent accueillir des offices religieux.
Ce nombre si important évoqué ci-dessus tient avant tout, non pas tant du culte, mais de la dévotion de ses habitants. Ceux-ci ont l’habitude de prier les saints auxquels ils leur accordent des pouvoirs de protection et de guérison. En effet ces édifices sont bien érigés par de riches fidèles et ne sont donc pas l’œuvre du clergé. Ce dernier aurait préféré au contraire que leurs paroissiens aisés eussent contribué d’avantage à la participation de dons d’argent envers leur église qu’à l’édification de ces constructions privées.
Je note ici que si les oratoires n’ont pas de fonction liturgique, les chapelles étaient jusqu’à la Révolution des lieux de culte auxquels étaient attachés des revenus financiers du fait d’une donation pieuse. Au XIX ème siècle, après le Concordat, les chapelles deviennent à contrario des chapelles de chemin champêtres, de bâtiments agricoles et sont donc liées au monde rural.
Ces fondations d’édicules par des particuliers ont probablement permis à ces monuments de traverser la période révolutionnaire même si un certain nombre d’entre eux ont disparu durant ces exactions (Notamment à Etroeungt, Hautmont, Maroilles).
Le cas le plus démonstratif est celui de Liessies : son abbaye fut détruite lors de la Révolution mais l’église et les 4 chapelles de 1740 sortirent indemnes de la tourmente.
Ces édifices du XVIII ème siècle liés à la foi populaire et nés de l’œuvre de fondateurs ne représentant ni le pouvoir religieux ni celui des privilèges ont donc globalement traversé les temps.
Quant au XIX ème siècle ce phénomène d’érection s’est intensifié en parallèle de la montée en puissance de l’église avant son déclin en fin de siècle. Cette régression fut déclenchée avec l’arrivée des luttes ouvrières et de l’exode rural dans certains cantons de l’Avesnois.
Ces monuments expriment donc la piété des habitants, leur reconnaissance et leurs craintes.
Je remarque dans l’Inventaire que les édifices sont généralement dédicacés à un Saint voir à plusieurs Saints. Ainsi évoque t- on notamment le patron des cultivateurs (St Eloi), le guérisseur des maux du bétail (St Etton), le patron des chasseurs (St Hubert) le protecteur contre la peste (St Roch).
Cependant la dévotion qui place Marie à l’apogée de tous les saints s’explique probablement par l’enseignement catholique qui magnifie la Vierge. L’amour maternel et l’amour filial sont des sentiments universellement répandus.
Au contraire des autres saints à qui l’on prête des vertus bienfaisantes spécifiques on invoque Notre Dame pour et contre tout.
Les dédicaces expriment donc les trois motivations principales de ces bâtisseurs, à savoir leur dévotion au sens général, leur reconnaissance envers un saint ou une sainte qui a exaucé un vœux ou bien encore leur demande de protection avec la formule « Priez pour Nous ou P.P.N ».
Ces édifices portent en plus de la dédicace généralement le nom du propriétaire et parfois sa position sociale. Ils sont élevés surtout pour s’attirer les bénédictions du ciel ou pour remercier d’une grâce obtenue.
Je précise, nous l’avons vu précédemment, que les chapelles considérées majoritairement comme des lieux de culte privé étaient aussi présentes lors des cérémonies officielles de l’Eglise : les processions comme celles de la Fête Dieu et celle de l’Assomption. Elles servaient aussi de pèlerinage de substitution le cas échéant.
Quant aux oratoires ils pouvaient servir lors des rogations c’est-à-dire lors de cérémonies durant lesquelles le prêtre se rendait avec les paroissiens bénir un endroit en vue de la protection des fruits de la terre (récolte des champs, récolte des foins, des arbres fruitiers…).
Ces oratoires et chapelles imprégnaient donc nos ancêtres dans leur vie au quotidien.
De nos jours ils font partie du paysage, s’intègrent dans l’environnement de notre région et constituent donc de ce fait une partie de notre patrimoine. A ce titre il est nécessaire de les sauvegarder. Saluons ici le rôle des mairies, des associations locales de bénévoles, de l’ARACO Association Régionale pour l’Aide à la Restauration des Chapelles et Oratoires qui ont pris leur défense en les restaurant.
L’Inventaire qui suit n’a pas l’ambition d’être exhaustif mais se veut une publication de mémoire. Il tente de reprendre les édifices existants dans leur grande majorité en 2016.
Il consacre aussi une place à ces monuments qui semblent avoir disparu depuis une vingtaine d’années. En effet il fait mention de ces édifices manquants que répertorient et décrivent les auteurs René Guirlinger et Jean Noel Marissal dans leur ouvrage de référence : « Oratoires et Niches de pierre bleue de l’avesnois du Cambrésis et de la Thiérache de l’Aisne » (édition 1998).
J’espère que cette publication permettra au lecteur de mieux connaître ces esthétiques témoins du passé, de mieux contempler ces œuvres voire ces chefs d’œuvre régionaux et enfin de mieux appréhender la vie spirituelle et culturelle hainuyère de nos ancêtres.
Je souhaite enfin conclure en adressant tout particulièrement mes remerciements à Monsieur Daniel Gustin pour ses nombreuses photos et ses commentaires éclairés, à Monsieur Roland Gagneux dont son site http://villesetvillagesdelavesnois.org/ m’a été d’une aide précieuse dans la recherche de certains oratoires, et aux membres de l’association du Cercle Historique et Généalogique de Berlaimont pour leurs recherches avisées.
JEAN-PIERRE CARRE